Rencontre avec Chantal Marmion , Présidente de l’association Amitié France Madagascar

Peux tu nous présenter l’association et les projets soutenus à Madagascar ?

Amitié France Madagascar (AFM) a été créé en 1994, avec la volonté au départ d’aider au financement de projets ponctuels dans la région de Tananarive.
A partir de 2012, l’association s’est engagée dans des projets plus structurants visant le développement durable , d’abord dans le district d’Ambatolampy au sud de Tananarive, et depuis 2021 dans le district de Betioky à l’extrême sud du pays. C’est une région très touchée par la pauvreté et très fortement impactée par le changement climatique.
Madagascar est un pays où il pleut beaucoup mais avec répartition inégale, on observe un fort déficit dans le sud au cours de ces dernières années avec des saisons des pluies très réduites, des trombes d’eau qui dévastent tout et une saison culturale non maîtrisable.
En 2021 à Betioky, AFM devient partenaire d’une ONG locale soutenue par le mouvement Caritas International, avec des méthodes de travail très émancipatrices, tout étant mené pour que les populations retrouvent rapidement une capacité d’autonomie et d’autosuffisance. Le projet que nous soutenons consiste d’une part à améliorer l’accès à l’eau, d’autre part à aider les villageois à se structurer en groupements et à acquérir de nouvelles compétences pour mieux s’adapter à la nouvelle donne climatique.
C’est la deuxième année du projet, on vient de terminer une phase étude avec des partenaires malgaches sur la construction d’un barrage souterrain en argile pour pouvoir récolter les eaux de sous-écoulements et fournir un accès pérenne à l’eau. La première phase du projet de développement rural mise en œuvre par notre partenaire est également terminée avec la création de groupes d’épargne et de crédit communautaire et la formation à la gestion financière. La suite du projet concerne l’amélioration des pratiques agricoles et la commercialisation des produits.

Quel est le rôle d’AFM dans le projet ?

A Madagascar, il y a beaucoup d’associations locales qui prennent en main tout un tas de choses mais qui ont besoin de bailleurs de fonds. Notre rôle est d’écouter, accompagner, soutenir financièrement, matériellement. Dans le cadre de notre partenariat, on discute des projets, mais toute la méthodologie est apportée par les malgaches qui ont les compétences et expertises requises. Il y a encore des adhérent-es d’associations comme les nôtres qui ont des réactions surprenantes, qui veulent enseigner une manière de faire, imposer une vision, c’est très néocolonial comme approche. Notre partenariat est basé sur la participation des communauté villageoises qui sont toujours à l’initiative des projets. Au niveau local, on s’est attelés à trouver les partenaires les plus qualifiés et extrêmement compétents : ingénieurs agronomes, experts en hydrogéologie…...

Qu’est ce qu’AFM retire de ce partenariat ?

C’est très instructif pour nous car on constate que les projets développés sont à la fois ambitieux et accessibles. Sur notre projet de barrage par exemple, les moyens sont simples et peu coûteux, les matériaux de construction sont ceux qui sont disponibles localement et la main d’oeuvre est fournie par les bénéficiaires eux-mêmes.
On a autant à apprendre des partenaires que ce qu’on apporte. C’est une relation de réciprocité. Pour donner au autre exemple, dans les groupes d’épargne et de crédits communautaires déjà cités, ce sont les communautés villageoise qui décident de qui fait quoi et comment (montant de l’épargne, modalités de prêt, de remboursement, sanctions en cas de non-respect des règles etc..). L’implication de la communauté est très importante ici, et inspirante, on pourrait tirer partie de cette expérimentation !

Comment en es tu arrivée à t’investir dans la Solidarité internationale ? Et quel regard y portes tu aujourd’hui ?

J’ai toujours travaillé dans des associations, dans le domaine de la gestion prévisionnelle. Mon travail consistait à anticiper et analyser les mutations, à monter des dossiers financiers... Pas si éloigné de mes missions au sein d’AFM finalement, mais dans un contexte très différent.
J’ai commencé à être active dans le domaine de la SI à la retraite, je voulais être en lien avec l’Afrique pour découvrir une nouvelle culture. En allant à la rencontre des partenaires locaux, j’ai été sidérée par la richesse des gens que j’ai côtoyé. Le hasard et la rencontre avec d’autres bénévoles m’ont amenée à AFM. A l’époque, la SI c’était de l’ordre du caritatif, on ne parlait pas encore de coopération décentralisée.
On me demande souvent quel est mon moteur... le mien il est « politique » : tout-es sur la même planète, tout-es interdépendant-es. J’ai toujours été animée par la questions des inégalités, des injustices. Je considère que nous avons la chance d’être dans des pays qui se sont entendus à travers l’ONU dans l’idée que l’on pouvait rectifier le tir, apporter des moyens à des pays qui en ont moins. Mais je reste persuadée que les bénéficiaires savent mieux que nous ce quoi dont ils et elles ont besoin, ce qu’il faudrait faire pour améliorer leur quotidien.
Enfin, j’éprouve un réel intérêt intellectuel pour toutes les démarches de l’association et de fortes relations se sont bâties avec les partenaires malgaches, qui sont devenus des amis au fil du temps et des rencontres lors des visites de terrains. .